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Historique de l'ensemble Collégiale

Le Cardinal Arnaud d'Aux (vers 1270-1321)

Ce personnage appartenait à la noblesse locale. Il serait né entre 1260 et 1270 sur la terre de Montpellier, aux portes mêmes de La Romieu. Après avoir fait ses premières études à Agen, il étudia le droit à Orléans d'abord, puis à Bologne, où il aurait noué une solide amitié avec son parent Bertrand de Got, le futur Clément V. A la mort de ses parents, en 1291, il embrassa l'état ecclésiastique et fut pourvu d'un canonicat à Coutances. Ses relations l'attirèrent bientôt à Bordeaux auprès de l'archevêque Bertrand de Got, qui le nomma son grand vicaire. A Lyon le 14 novembre 1305, il assista au couronnement du pape gascon. Il fut ensuite chargé d'une mission diplomatique à la cour de France, qui lui valut l'évêché de Poitiers, dont il prit possession le 3 mai 1309. Deux ans plus tard il devenait camérier du pape, poste qu'il conserva sous Jean XXII jusqu'en 1319. Il devait mourir en 1321. On conçoit que ce gascon, favorisé par le sort, ait voulu laisser le témoignage durable d'une fortune aussi rare. A l'exemple d'autres cardinaux d'Avignon, il le conçut sous l'aspect d'une "livrée" ou palais auquel fut joint une fondation pieuse, et il établit le tout à La Romieu, c'est-à-dire au berceau même de sa famille.

Fondation de la collégiale de La Romieu

Vers 1312, Arnaud d'Aux acheta aux consuls et aux habitants de La Romieu un terrain appuyé aux fossés de la ville et la partie correspondante de ces fossés qu'il fit assécher pour en creuser de nouveaux un peu plus loin. Afin de pas avoir à s'opposer aux Bénédictins de St Victor de Marseille, il acheta leur départ pour la somme de 2000 florins qui furent versés entre les mains de 3 négociants de Florence domiciliés à Marseille. Le pape Jean XXII, par une bulle du 22 décembre 1317, autorisa cette transaction et prononça la sécularisation du prieuré de Notre Dame de La Romieu, dont il conféra tous les droits spirituels et temporels à l'église Saint Pierre, fondée par le cardinal. Le terrain ainsi déblayé, Arnaud d'Aux entreprit tout à la fois la construction d'un palais pour son habitation et celle de locaux destinés à un collège de Chanoines. A l'époque en effet les chanoines étaient fréquemment les bénéficiaires des nouvelles fondations religieuses. Sans doute les collégiales offraient elles, davantage que les monastères, la possibilité pour le fondateur et ses héritiers d'exercer un profitable droit de patronage. Pour donner de l'éclat au service divin sa nouvelle collégiale, Arnaud d'Aux la dota richement et minutieusement en ornements : grande croix d'argent, calices de vermeil et d'argent, livres de chants, cloches, ainsi qu'un grand nombre de reliques insignes enfermées dans 14 châsses d'argent offertes par Jean XXII. On dénombrait parmi ces trésors de la piété : des restes des Saints Innocents, un fragment d'un pied de Saint Pierre, un éclat de la mâchoire de Saint Etienne, le bout d'un doigt de Saint Georges, un bras de Saint Timothée et un autre de Sainte Cécile, ainsi qu'un morceau de la croix du bon larron. L'histoire postérieure de la fondation d'Arnaud d'Aux est surtout marquée par les dévastations qu'y commirent les Protestants en 1569. Après avoir pris Condom, le terrible Montgomery se porta devant les murs de La Romieu. Il s'empara de la ville et la pilla. La collégiale et l'église Notre Dame devenue paroissiale furent saccagées. Les Protestants emportèrent les châsses d'argent, ils brisèrent les sculptures, les bas-reliefs et les tombeaux de la famille d'Aux, et ils firent périr un certain nombre de prêtres dans les flammes. La révolution ayant amené la disparition du chapitre, l'église Saint Pierre fut choisie comme église paroissiale par les habitants de La Romieu. Cette décision provoqua la démolition de l'église paroissiale Notre Dame condamnée comme trop petite, lézardée et malsaine, mais elle permit à la collégiale de nous parvenir sans trop de dommages.

L'église

La collégiale Saint Pierre formait l'essentiel d'un ensemble qui comprenait en outre un cloître et l'habitation des bénéficiers du chapitre, ou chanoinie, ainsi que le doyenné et le palais du cardinal situé au sud-ouest du cloître. Très rapidement construite entre 1313 et 1318 (date à laquelle le cardinal d'Aux en fit lui- même la dédicace) elle a le plan d'une grande chapelle : un seul vaisseau suffisait en effet pour l'usage exclusif qu'en avaient les chanoines. Cependant, ces proportions ne sont pas celles de la nef unique méridionale : pour une longueur totale de 36 mètres, la largeur dépasse à peine 9 mètres, alors que la hauteur sous clef atteint 15 mètres. Suivant le témoignage de l'abbé Broconat, l'ensemble de l'église était peint : " dans le sanctuaire, à l'entrée, figuraient les deux titulaires de l'église, Saint Pierre, du côté de l'Evangile, et Saint Paul, du côté de l'Epître, et rangés dans les divers compartiments de la voûte, des anges balançaient un encensoir d'or en le dirigeant vers l'agneau représenté sur la clef. Dans la nef étaient peints debout, du côté de l'Epître, les quatre grands et les 12 petits prophètes, chacun des personnages ayant à la main une banderole sur laquelle se lisaient quelques titres de ses prophéties. Du côté de l'Evangile, on voyait les apôtres et les Evangélistes". Or en 1864 on décida un décapage général pour mettre à nu l'appareil de pierre de taille. Du décor peint ne subsistent dans l'église que trois écussons découverts sur le tympan intérieur de la porte d'entrée, sous plusieurs couches de badigeon. Deux de ces écussons sont semblables et portent les armoiries des seigneurs d'Aux, patrons du chapitre ; ils sont séparés par l'écusson du seigneur de Firmacon.

Le Cloître

Le cloître est situé au Nord de l’église et a probablement été construit après l’église et en même temps que le clocher. Lieu de vie et de prière réservé exclusivement aux chanoines, il possédait à l’origine deux étages. On peut encore voir les traces de corbeaux qui servaient à soutenir les étages, ainsi que des restes d’éviers au sud et au nord. Le cloître est formé de quatre arcatures à baies géminées et trilobées et quatre portes en permettent l’accès. Le grand portail nord donnait sur la ville. Dans l’angle sud, la porte était réservée au chapitre. La porte méridionale donnait accès au palais. La porte ouest donnait également accès au palais. Les chapiteaux du cloître étaient ornés de feuillages et de figurines. La base était prismatique. Dans l’ensemble, les animaux s’associent souvent à un personnage, tout comme le décor floral. La disproportion des personnages (la tête par rapport au corps) est imprégnée des canons romans. Le cloître fût incendié en 1569 et les étages (en bois) furent détruits. De cet incendie gigantesque on peut trouver la trace sur les piliers du cloître qui ont été partiellement érodés. Certains piliers ont fait l’objet de restauration au cours des siècles comme on peut le constater de nos jours. Au-dessous du niveau du premier étage on peut apercevoir une litre funéraire peinte. Sur celle-ci on distingue des blasons (découverts en 1995) : - Au milieu le blason familial (Aux) - Au-dessus la couronne des marquis d’Aux - De part et d’autre deux lions qui tiennent la couronne - En dessous le collier des Chevaliers de Malte Par le premier étage, du côté nord, on communiquait avec une maison de l’autre côté de la rue (on voit encore une porte murée) qui s’étendait jusqu’au fossés de la ville. Il s’agissait de la maison du Doyen du Chapitre.

La Tour de la Sacristie

L'église est flanquée au nord-est et au nord-ouest de deux tours. On rapprochera ce parti d'ensemble de celui de certains "châteaux gascons" contemporains, caractérisés par une "salle" unie à deux tours. La plus monumentale des deux tours de La Romieu est celle de l'est, de forme octogonale. Peut-être doit-on évoquer à son sujet l'exemple du château que les sires de Firmacon avaient fait construire, non loin de là, au Mas d'Auvignon. Epaulée par six vigoureux contreforts, la tour de La Romieu comporte 3 belles salles superposées, voûtées d'ogives et éclairées par des fenêtres étroites. On passe d'un étage à l'autre à l'aide d'un escalier à vis enfermé dans une tourelle carrée. Traditionnellement on identifie la salle inférieure avec la sacristie (c'est encore sa destination actuelle), la seconde avec la salle capitulaire et la troisième avec la salle des archives, l'ordre des deux dernières étant parfois interverti. Couronnant l'ensemble, un belvédère, ajouré sur chacune de ses faces de 2 grandes fenêtres tréflées, annonce les constructions aériennes qui se développeront dans les parties hautes des châteaux forts à la fin du XIVe siècle. Il est surmonté d'une balustrade découpée de petites roses. Probablement les 3 salles étaient-elles peintes, mais seule la sacristie a conservé son décor. Dans les compartiments de la voûte, 16 anges tiennent les couronnes, jouent de la trompette ou balancent un encensoir. La tête nimbée de rayons, selon une formule très répandue dans le Sud-Ouest de la France à la fin du XIIIe siècle et dans la première moitié du XIVe, ces silhouettes gracieuses se détachent sur un fond blanc. Sur les murs des quadrilobes renfermant des écussons armoriés, le plus souvent indistincts, alternent avec des octogones. Ceux-ci portent dans les rangées inférieures des personnages à mi-corps et dans les parties hautes des murs un décor abstrait.

Le Palais du Cardinal

Le Cardinal d’Aux ajouta un palais à sa construction, situé côté Ouest de la collégiale. Probablement semblable aux livrées cardinalices (Avignon), ce palais était destiné à recevoir les appartements du cardinal et de sa suite. Son emplacement permettait un accès privilégié du cardinal dans l’église collégiale. Vraisemblablement constitué de plusieurs maisons particulières articulées autour de cours centrales, le palais fut acheté bien national à la Révolution Française et fut vendu carrière de pierre. Les étages disparurent à cette époque-là. On peut voir aujourd’hui la tour dite « du Cardinal » ainsi que les murs du palais qui servent aux maisons d’habitations derrière la collégiale. L’entrée occidentale du Palais est assez bien conservée avec sa voute en ogive protégée par des mâchicoulis.

La Tour Carrée

La tour carrée est bâtie au-dessus de la galerie du cloître. Elle a quatre étages et repose sur des arcades, deux en plein cintre et deux en tiers-point. Elle contient les cloches dont une, la plus grosse (900 kg) est l’une des plus vieilles du Gers (1450). Cette tour est liée aux étages du cloître, à l’église, mais surtout aux bâtiments du Palais qui s’élevaient sur plus de 3600 m² à l’ouest de la collégiale. Cette tour a été construite postérieurement à l’église collégiale, mais en même temps que le cloître. Ce n’était pas une tour fortifiée (grandes ouvertures). L’escalier qui dessert cette tour est lui aussi logé dans une tourelle carrée adossée au mur de l’église. Il conduit aux quatre étages et permet d’accéder à la toiture de l’église (qui autrefois était une terrasse). La particularité de cet escalier se situe à sa base. En effet, sur 11 marches, cet escalier est à double révolution autour d’un noyau central. Dans le petit couloir semi-circulaire creusé dans le mur pour rejoindre les deux accès, on trouve trois petites meurtrières qui permettent de voir le cloître, l’église et la tour du Palais. Construit sur le même schéma que celui de Chambord, cet escalier qui date du XIV siècle était certainement conçu dans un objectif de défense. A voir absolument !

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